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Présentation brevet unitaire

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le brevet unitaire (sans oser le demander)

Brevets ≠ Innovation

caricature brevet logiciel
Commençons par déconstruire une idée reçue sur les brevets. Les brevets ne sont pas toujours synonymes d’innovation. Dans l’informatique, l’expérience nous a montré que les brevets sont en fait utilisés comme des armes de guerre économique, qu’ils freinent l’innovation et font peser une menace sur tout éditeur, développeur ou utilisateur de logiciel.

Une préoccupation partagée

Un brevet n’est pas une innovation. C’est le droit d’empêcher quelqu’un d’innover.

Les brevets sont des monopoles accordés par le gouvernement. Ils sont là pour récompenser l’innovation, mais ce n’est pas ce qui se passe ici

Kent Walker, vice-président senior
& conseiller général de Google

Nous ne sommes pas les seuls à dire cela. En fait, la vaste majorité des professionnels de l’informatique est opposée aux brevets logiciels.

L’expérience des États-Unis

Si les brevets logiciels faisaient vraiment leur boulot, on s’attendrait à ce qu’ils encouragent à davantage d’innovation. Mais, en fait, ce n’est pas le cas. Il y a des preuves suggérant tout le contraire.

Eric Maskin,
prix Nobel d’économie

Aux États-Unis, l’observation des effets des brevets logiciels ces vingt dernière années montre combien ceux-ci sont nuisibles pour l’économie. La plupart des entreprises informatiques ne déposent pas de brevets, la plupart des brevets logiciels sont détenus par quelques grosses entreprises et le risque de procès dûs aux brevets logiciels continue de croître dramatiquement.

Prudence avec la politique des brevets !

manipuler avec soin
Ces préoccupations causées en particulier par les brevets logiciels signifient que, globalement, la politique des brevets doit être prise avec soin. Une mauvaise politique des brevets peut être désastreuse pour l’économie de l’innovation ou pour les droits et libertés fondamentaux.

Droit européen des brevets

Ne sont pas considérés comme des inventions […] notamment : les programmes d’ordinateur

Article 52.2 de la
Convention sur le brevet européen (CBE)

Heureusement, dans le droit européen des brevets, les logiciels sont explicitement exclus de la brevetabilité. Il est important de noter qu’en Europe, le droit des brevets est régi par la Convention sur le brevet européen (CBE), un traité multilatéral ayant conduit à la création de l’Office européen des brevets (OEB). Ainsi, la CBE ne fait pas partie du droit de l’Union européenne et l’OEB n’est pas une agence de l’UE.

Un sophisme pour néanmoins délivrer des brevets logiciels

Une [invention mise en œuvre par ordinateur] (même sous la forme d’un programme d’ordinateur) qui engendre un [« effet technique supplémentaire » allant au-delà des interactions physiques normales entre le matériel et le logiciel] peut être brevetable […]. Dans ce cas, elle sera reconnue comme fournissant une solution technique à un problème technique.

http://www.epo.org/news-issues/issues/computers/software_fr.html

Malheureusement, à l’encontre de l’esprit et de la lettre du droit, l’OEB a commencé dans les années 80 à délivrer des brevets logiciels, prétextant que la CBE n’empêchait les brevets que sur les logiciels en tant que tels, mais que certains logiciels avaient en fait des effets techniques et ne devaient pas être considérés comme des « logiciels en tant que tels » et que, par conséquent, ils devenaient brevetables.

Résultat : un champ de mines

boutique web brevetée
Le résultat de cette pratique douteuse est que nous avons maintenant en Europe des dizaines de milliers de droits monopolistiques très puissants. Pas sur le code source des logiciels – celui-ci est couvert par le droit d’auteur. Mais sur les fonctionalités mêmes des logiciels, sur les algorithmes – c’est-à-dire des mathématiques –, sur les idées sous-jacentes aux traitements de données.

L’échec de la directive sur les brevets logiciels

bataille navale brevets logiciels
Mais cela aurait pu être pire ! En 2005, grâce à un activisme citoyen massif, le Parlement européen a rejeté une directive visant à légaliser les pratiques de l’OEB consistant à délivrer des brevets logiciels. Depuis ce rejet, même si l’OEB continue à octroyer des brevets logiciels, les tribunaux sont toujours libres de les invalider.

L’échec de l’Accord sur les contencieux en matière de brevets (EPLA)

juge epla
La tentative suivante a consisté à remplacer les tribunaux nationaux jugeant les litiges liés aux brevets par un tribunal central unifié, régi par l’OEB. Heureusement cette tentative a également échoué, principalement parce qu’il aurait été contraire aux traités de l’UE que les États membres mettent seuls en place un tel tribunal, sans que l’UE ne soit associée au projet.

Un problème systémique

bulle OEB aiguille
Ces échecs ont mis en évidence que le problème est en fait systémique. L’OEB fonctionne dans une sorte de bulle pour les seuls intérêts d’un « microcosme des brevets », composé d’avocats en brevets et des départements juridiques de grosses entreprises – pour la plupart, non européennes. Et, comme d’habitude avec les bulles, l’OEB n’a de cesse d’accroitre infiniment sa bulle. Plus l’OEB délivre de brevets, plus il prospère.

Un appel aux législateurs

Lorsque l’élaboration juridique conduite par la jurisprudence atteint ses limites, il est temps pour le législateur de reprendre la main.

Grande chambre de recours
de l’Office européen des brevets

Le système européen des brevets a donc besoin d’être réorienté dans l’intérêt de l’économie et de la société européenne dans leur ensemble. En fait, même la plus haute instance quasi-judiciaire de l’OEB — la Grande chambre de recours – a appelé de ses vœux au seul moyen d’y parvenir : l’action des législateurs.

Un faisceau de brevets nationaux

faisceau de brevets nationaux
En fait, cela fait des décennies que l’UE s’échine à réformer le système de brevets. Actuellement, une fois qu’il a été délivré par l’OEB, un brevet européen existe finalement en tant que faisceau de brevets nationaux dans chaque pays désigné par le demandeur du brevet. Et chacun de ces brevets nationaux doit être traduit et est soumis à des taxes auprès de chacun des offices de brevets nationaux.

Application devant les juridictions nationales

juridictions multiples
Qui plus est, que ce soit pour empêcher d’éventuelles contrefaçons à un brevet européen, ou au contraire pour l’invalider, il est nécessaire d’intenter des procès devant chaque juridiction nationale.

Le brevet de l’UE et la juridiction unifiée des brevets

Brevet UE et juridiction unifiée
Ainsi, l’UE voudrait établir un nouveau titre de brevet qui aurait un effet unitaire pour l’ensemble de l’Union et serait applicable devant un tribunal unifié des brevets.

Premier problème : exigence d’unanimité

enhanced cooperation
Mais les États membres de l’UE n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le régime linguistique du brevet unitaire. Or cette question exige l’unanimité. Il a alors été décidé de passer par une procédure appelée « coopération renforcée », dans laquelle un règlement de l’UE doit être voté par le Parlement européen et par les pays du Conseil qui participent à cette coopération renforcée. Dans le cas du brevet unitaire, tous les pays de l’UE participent, sauf l’Espagne et l’Italie.

Deuxième problème : conformité aux traités de l’UE

L’accord envisagé […] priverait les juridictions des États membres de leurs compétences concernant l’interprétation et l’application du droit de l’Union ainsi que la Cour de la sienne pour répondre, à titre préjudiciel, aux questions posées par lesdites juridictions et, de ce fait, dénaturerait les compétences que les traités confèrent aux institutions de l’Union et aux États membres qui sont essentielles à la préservation de la nature même du droit de l’Union.

Cour de justice de l’Union européenne

Puis, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a infligé un sévère revers au projet de juridiction unifiée des brevets car cette dernière se situait hors du cadre judiciaire et juridique de l’UE, forçant la Commission européenne à revoir sa copie.

Troisième problème : un mauvais exemple de tribunal unifié des brevets

Bessen procès brevets logiciels
De plus, une juridiction des brevets unifiée et spécialisée souffre de l’exemple des États-Unis, où la cour d’appel pour le circuit fédéral (CAFC) a montré que ses décisions étaient clairement orientées en faveur des brevets ou qu’elle avait étendu la portée des domaines brevetables, conférant aux déteurs de brevets des pouvoirs injustifiés. Ce désir sans fin de la CAFC d’étendre ses pouvoirs a commencé à être critiqué, non seulement par des chercheurs en économie ou en droit, mais également par la Cour suprême des États-Unis.

Un contrôle nécessaire par la Cour de justice européenne

Bulle de l’OEB justice
Cela implique que, quelle que soit la juridiction des brevets mise en place, ses décisions doivent être contrôlées par un tribunal indépendant, à même de trancher dans le respect du principe de proportionnalité les conflits entre le droit des brevets et d’autres domaines juridiques, tels que le droit de la concurrence ou les droits et libertés fondamentaux. En fait, depuis l’avis de la CJUE mentionné ci-dessus, il n’y a pas d’alternative.

Une indépendance nécessaire de la politique d’innovation de l’UE

bonne mauvaise politique des brevets
L’UE doit également s’assurer d’avoir tout pouvoir de décision sur ce qui devrait être exclu de la brevetabilité, sur ce qui au contraire peut être brevetable et à quelles conditions. Une bonne politique des brevets doit être dessinée de manière à encourager l’innovation, tandis qu’une mauvaise politique des brevets peut engendrer un système vicié. Ce choix ne peut être laissé au microcosme des brevets.

La proposition de règlement sur le brevet unitaire

Proposition de la Commission
Malheureusement, la proposition de la Commission pour un règlement sur le brevet unitaire ne prend absolument pas ce chemin. Au contraire, le règlement proposé ne crée pas de brevet de l’UE, ne faisant qu’utiliser le brevet traditionnel délivré par l’OEB, auquel on ajoute un attribut « unitaire », signifiant que la validité d’un tel brevet s’applique à l’ensemble du territoire des États membres participants. Et l’UE ne serait pas non plus partie à l’accord instituant une juridiction unifiée des brevets. Au lieu de ça, ce tribunal serait commun à tous les États membres participants.

Une base juridique douteuse

En outre, la proposition de la Commission pour un règlement sur le brevet unitaire soulève des questions quant à la validité de sa base juridique. Les gouvernements espagnol et italien ont déjà attaqué devant la CJUE la décision de procéder à une coopération renforcée. Et ils ont promis d’attaquer de même les règlements mettant en œuvre cette coopération renforcée.

Amendement nécessaire : création d’un véritable brevet de l’UE

amendement 118 TFUE
Il s’en suit que des amendements au règlement proposé s’avèrent nécessaires. Tout d’abord, le brevet unitaire devrait être défini sans ambiguïté comme étant un titre de brevet de l’UE, conformément à la base juridique du règlement dans les traités de l’UE.

Amendement nécessaire : suppression des références à la Convention sur le brevet européen

amendement 142 CBE
Deuxièmement, les références aux dispositions de la CBE utilisées pour adjoindre un attribut au brevet habituel de l’OEB doivent être supprimées.

Amendement nécessaire : délégation à l’OEB et incorporation de la CBE dans le droit de l’UE

amendement délégation à l’OEB incorporation de la CBE
Troisièmement, si le brevet unitaire doit être délivré par l’OEB, l’UE devrait définir explicitement cette délégation de pouvoirs. En outre, les règles de la CBE employées pour délivrer des brevets unitaires devraient être soumises aux mêmes exigences et contrôles que si ces actes avaient été accomplis par une agence de l’UE.

Amendement nécessaire : droit matériel des brevets

amendement droit matériel des brevets
Enfin, le règlement devrait clarifier les dispositions de la CBE relatives à ce qui devrait être exclu de la brevetabilité, à ce qui au contraire peut être brevetable et à quelles conditions. Cela peut être accompli soit en prévoyant une législation distincte, soit en clarifiant les principales dispositions directement dans le règlement sur le brevet unitaire, soit, en ce qui concerne le problème spécifique des brevets logiciels, en édictant qu’ils doivent être tout bonnement exclus.

Conclusion : adoption des amendements de www.brevet-unitaire.eu

degré d’autonomie de l’OEB
Au final, le règlement sur le brevet unitaire est avant tout une question de savoir quel degré d’autonomie l’UE veut laisser à l’OEB. À l’évidence, la proposition de la Commission offre un rôle trop central à l’OEB, gonflant davantage la bulle des brevets. Nous avons proposé un ensemble d’amendements qui redonneraient à l’UE le nécessaire contrôle démocratique sur sa politique d’innovation. Soutenez ces amendements !